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Vaudou (I Walked with a Zombie) film américain réalisé par Jacques Tourneur, sorti en 1943

Analyse critique[]

Betsy, une jeune infirmière, est appelée à Saint-Sébastian, dans les îles des Caraïbes, pour s'occuper de Jessica Holland qui souffre d'une forme très rare de paralysie mentale. Elle tombe amoureuse de Paul, le mari de Jessica, bien qu'elle soit courtisée par Wesley Rand, le demi-frère de ce dernier.

Persuadée que Paul est toujours amoureux de sa femme, Betsy, de son propre chef, emmène Jessica à une cérémonie vaudou dans l'espoir de lui faire retrouver ses esprits. Ses efforts sont vains, mais elle a la surprise d'y rencontrer Mrs. Rand, la mère de Paul et Wesley qui s'est initiée aux rites vaudou pour faire admettre la médecine moderne.

Les relations entre Paul et Wesley s'enveniment de plus en plus, le second reprochant au premier l'état de sa femme qu'il avait menacé de violence si elle le quittait pour lui. Il en arrive même à le dénoncer à la police qui va mener une enquête lorsque Mrs Rand révèle son secret : c'est elle qui, par le vaudou, est responsable de la transformation de Jessica en zombie. Quand celle-ci, femme manipulatrice et maléfique lui avait annoncé sa volonté de quitter Saint-Sébastian avec Wesley, elle avait été prise de colère et avait supplié les dieux vaudou de la transformer en zombie. Prise de remords en rentrant chez elle, elle n'avait pu que constater la fièvre maligne qui s'était emparé de Jessica. La police ne croit pas à son explication mais les deux frères qui se souviennent de l'état comateux de Jessica sont persuadés qu'elle est bien une morte vivante.

Le tableau L'île des morts (Arnold Böcklin, 1896) accroché dans la chambre de Jessica et que l'on voit dans trois séquences distinctes est prémonitoire de son destin. Toutefois alors que dans le tableau, c'est Charon qui conduit le mort vers l'île, c'est Wesley sort Jessica de l'île pour la conduire dans la mer purificatrice.

Wesley tue Jessica pour la libérer de sa malédiction de morte-vivante, et, poursuivi par un zombi, Carrefour, qui veut récupérer le corps de Jessica, il se sacrifie en se noyant dans la mer avec elle. Betsy restera avec Paul à Saint-Sébastian.

La mise en scène de la mort de Jessica est remarquable avec le montage alterné des sorciers plantant l'aiguille vaudou pendant que Wesley se penche sur le corps de Jessica dans lequel il a enfoncé l'une des flèches du saint Sébastien, emblème du jardin colonial. La fuite vers la plage est digne des grands moments où la mer joue son rôle de grande purificatrice avant l'anéantissement dans la mort, assimilée à une délivrance.

Ce film passe pour un sommet du cinéma fantastique. Fantastique ? Peut-être pas, tout dépend du point de vu. Rien n’est dit, rien n’est montré. Tout est suggéré : la peur et la mort. Le film commence comme un conte de Dickens: un flash-back sous la neige. Et puis, imperceptiblement, le rythme s’altère. Le génie de Tourneur est de travailler le film fantastique comme le seront bientôt les films noirs, ses personnages tentent d’échapper à leur passé comme plus tard dans la Griffe du passé (1947), aux forces du destin. Ce combat est souvent désespéré chez Tourneur, les êtres sont des marionnettes, comme cette femme-zombie, manipulée, comme des poupées vaudous.

L'art de Tourneur est un savant équilibre entre une image résolument tournée vers l’ombre, une trame sonore envoûtante, tissée de voix chuchotées où l’effroyable est à peine audible et de bruitages inquiétants, et des décors de studios artificiels. Un équilibre donc. Entre menaces latentes et sous-entendus, tout est construit pour que l’on suive la lente progression des personnages confrontés à l’inexplicable. On les suit pas à pas. Le confinement de la mise en scène ainsi créé et la confidentialité des propos poussent à se fondre en Betsy tandis qu’elle se dissout dans cette atmosphère irrespirable, un rythme envoûtant fait de ralentissements et de brèves accélérations. Un rythme que la langueur des tambours rend hypnotique.

Le spectateur est dans un état cataleptique, comme cette femme au mal mystérieux que l’on tire par le bras, cette nuit-là, au milieu d’un champ de canne. Il avance, aveugle, entraîné par la progression inexorable du film. Il accompagne Betsy dans les tréfonds de son inconscient. Si l’infirmière affirme ne pas avoir peur des fantômes au début du film, une fois plongée dans le monde de Tourneur, elle sera en proie aux incertitudes qui ne laisserons personne indemne. L’inéluctable force de la nature, du destin se termine par une fin en trompe l’œil, les destins s'accomplissent, l’angoisse reste.

Distribution[]

  • James Ellison : Wesley Rand
  • Frances Dee : Betsy Connell
  • Tom Conway : Paul Holland
  • Edith Barrett : Mrs. Rand
  • James Bell : Dr Maxwell
  • Christine Gordon : Jessica Holland
  • Teresa Harris : Alma, la femme de ménage
  • Sir Lancelot : le chanteur de Calypso
  • Darby Jones : Carre Four
  • Jeni Le Gon : danseur


Fiche technique[]

  • Titre original : I Walked with a Zombie
  • Réalisation : Jacques Tourneur
  • Scénario : Ardel Wray et Curt Siodmak d'après une histoire de Inez Wallace
  • Direction artistique : Albert S. D'Agostino, Walter E. Keller
  • Photographie : J. Roy Hunt
  • Musique : Roy Webb
  • Montage : Mark Robson
  • Production : Val Lewton
  • Société de production : RKO Radio Pictures
  • Format : noir et blanc — 35 mm - 1,37:1 - Mono (RCA Sound System)
  • Durée : 69 minutes
  • Date de sortie : 21 avril 1943 (première à New York)

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