L'Appât est un film français réalisé par Bertrand Tavernier, sorti en 1995.
Synopsis[]
Une jeune femme fait semblant d'être séduite et permet, comme le cheval de Troie, à ses acolytes de s'introduire chez sa proie. D'abord conçu comme un cambriolage, la violence tourne à la torture et à la violence extrême.
Critique[]
D'emblée, Nathalie, Eric et Bruno nous apparaissent sympathiques. Ils partagent un appartement a trois; Nathalie s'évertue à se monter un carnet d'adresses pouvant lui ouvrir les portes bien fermées de la haute société; Eric et Bruno imaginent la réussite américaine en visionnant a la télévision tout ce qui peut faire office de succédané a leur manque réel de créativité et de compassion.
Une fois la mise en place des personnages dans leur contexte relationnel et social effectuée (du début jusqu'a la séquence musicale qui englobe une succession de plans rapides sans dialogues audibles) le spectateur sera le témoin privilégié ( parce qu'aucun jugement ne vient s'interposer entre lui et les personnages, que ce soient au niveau de la construction du scénario aussi bien qu'au niveau de la mise en scène) de leur inquiétante et déconcertante absence de morale et ce jusqu'a la scène finale, véritable condensé des valeurs évoquées durant les deux heures précédentes (naïveté, insouciance et égoïsme), et bouleversante tant sa simplicité parvient a faire ressortir le caractère éminemment tragique de cette sordide histoire et, hélas, tiré d’un vrai fait divers!
L’intérêt du film de Tavernier est que contrairement à d'autres, tels Natural Born Killers ou Pulp Fiction, par exemple, il parvient à dénoncer la violence et les excès de notre société sans en rajouter à son tour. Et c'est la un exploit que trop peu de cinéastes ont réussi à faire. Il n'est jamais évident de se contenir quand le spectateur, accoutumé à une mode qui valorise la vitesse et la poudre aux yeux, ne se satisfait plus que par la quantité d'hémoglobine présentée.
Parce que s'est là justement ce que nous propose Tavernier: suivre tout simplement l'itinéraire de ces trois jeunes, issus pour les deux premiers de famille aisée, dans leur désir de réussite (ouvrir une chaîne de boutiques de linge au USA) et leurs tentatives bien cruelles pour y parvenir, vols savamment prépares et meurtres sanguinairement commis).
Tavernier n'a pas cherché à faire une histoire morale où le mal serait opposé au bien ni à dépeindre ses protagonistes de façon a les faire passer pour méprisables, et pourtant les actions immondes qu'ils posent en toute insouciance portent le spectateur à les juger sévèrement; au contraire, sans aller jusqu'a dire qu'ils les aime, il les suit et les filme avec bienveillance, comme l'est le regard du père envers son enfant qui joue. Cependant, la bienveillance de Tavernier envers sa progéniture filmique ne va pas jusqu'a la défendre lorsqu'elle est fautive mais il ne la renie pas, non plus. C'est un grand art que de simplement montrer et faire voir...
Le film se termine sur le visage de Nathalie qui demande avec toute l'ingénuité du monde si elle pourra être relâchée après avoir signé la déposition incriminant ses deux acolytes et elle-même afin de pouvoir se rendre en vacances avec son père dans le Sud? Pas besoin ici de sortir tout l'attirail d'hémoglobine, d'effets spéciaux ni de musiques faussement modernes pour nous plonger dans un univers apocalyptique. Cette inconscience suffit. Tavernier se contente de faire ce qui est le plus difficile: s'en tenir a l'essentiel de son sujet, savoir placer sa camera, être attentif a l'expression d'un visage, couper pour créer un mouvement dynamique et utiliser le son de manière a transcender l'image! C'est ce qui tout bonnement s'appelle faire du cinéma.
Distribution[]
- Marie Gillain : Nathalie
- Olivier Sitruk : Eric
- Bruno Putzulu : Bruno
- Richard Berry : Alain
- Philippe Duclos : Antoine
- Marie Ravel : Karine
- Clotilde Courau : Patricia
- Jean-Louis Richard : Innkeeper
- Christophe Odent : Laurent
- Jean-Paul Comart : Michel
- Philippe Héliès : Pierre
- Jacky Nercessian : M. Tapiro
- Alain Sarde : Philippe
- Daniel Russo : Jean-Pierre
- Philippe Torreton : Le chef de la police
Fiche technique[]
- Titre : L'Appât
- Réalisation : Bertrand Tavernier
- Scénario : Bertrand Tavernier et Colo Tavernier, d'après le livre de Morgan Sportes
- Production : Frédéric Bourboulon et René Cleitman
- Musique : Philippe Haïm
- Photographie : Alain Choquart
- Montage : Luce Grunenwaldt
- Décors : Émile Ghigo
- Costumes : Marpessa Djian
- Pays d'origine : France
- Durée : 115 minutes
- Date de sortie : 8 mars 1995 (France)
- Film interdit aux moins de 12 ans lors de sa sortie en France
Récompenses[]
- Ours d'or au Festival de Berlin 1995.
- Prix de la meilleure actrice (Marie Gillain) et du meilleur montage, lors du Festival du film de Gramado 1995.
- Nomination au prix du meilleur espoir masculin (Olivier Sitruk) et meilleur espoir féminin (Marie Gillain), lors des César du cinéma 1996.