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Fleurs d'équinoxe (彼岸花, Higanbana) est un film japonais réalisé par Yasujiro Ozu, le premier qu'il tourna en couleur, sorti le 7 septembre 1958.

Synopsis[]

L'homme d'affaires Hirayama se montre fort réticent lorsqu'il apprend que sa fille Setsuko veut épouser un gendre qu'il n'avait pas envisagé. Elle organise le mariage sans son aide et c'est contre sa volonté qu'il y assiste. Le couple part ensuite pour Hiroshima. Poussé par ses amis, Hirayama surmonte ses convictions et va les visiter.

Critique[]

Les synopsis des films d'Ozu peuvent tenir la plupart du temps en une ou deux phrases et Fleurs d'équinoxe ne fait pas exception. Ozu l'affirma souvent, peu lui importait l'intrigue, l'essentiel étant ses personnages, leur manière de se comporter, d'agir, de réagir. Presque tous ses films racontent à peu près la même histoire, celle des conflits entre parents et enfants, les uns voulant marier les autres contre leur volonté. Cette permanence thématique est illustrée de façon toujours identique et ce dès l'immuable générique défilant sur un fond de toile de jute.

Mais pour la première fois chez Ozu, les caractères apparaissent en couleur, noirs, blancs et rouges. Cette découverte de l'Agfa-Color donne au film une teinte très particulière, aux belles couleurs, notamment dans la gamme des rouges, faisant ressembler la pellicule aux traditionnelles photos peintes. Et ce rouge est en harmonie avec le titre Fleurs d'équinoxe Higanbana: il s'agit d’une amaryllis qui fleurit à l'équinoxe d'automne. Elle symbolise la naissance d'une nouvelle saison alors qu'une précédente, l'été, est passée. Elle évoque aussi le hakenai japonais, sorte d'intense nostalgie mêlée de regret. C'est un terme souvent utilisé lors de funérailles... Ici, il correspond aux sentiments du père devant son impuissance à imposer sa volonté à ses filles, à l'ancienne « mode », celles-ci symbolisant la modernité et donc un nouvel âge, une nouvelle saison, une nouvelle vie.

La couleur rouge est donc prédominante dans le film. Elle se retrouve dans la théière omniprésente et les habits de la plus jeune sœur, qui représente encore plus que son aînée la nouvelle vie, le futur, son tee-shirt, son sac.

Autre constante, qui est la marque du réalisateur: la place de sa caméra, toujours à hauteur de la « position du tatami ». La vision doit correspondre à celle de quelqu'un assis en position traditionnelle sur le tatami, soit environ à 90 cm du sol. Ce placement entraîne une immobilité des plans mais aussi une distance établie entre le spectateur et les personnages.

Dès le deuxième plan du film, Ozu nous place dans un de ses lieux favoris, après les intérieurs des maisons japonaises: une gare. Dans cette gare, deux cheminots discutent sur les mariés qui semblent n'avoir de cesse de passer par cette gare. Par leur commentaire, ils annoncent le film: on va y parler de mariages mais un « fort orage » est signalé sur l'île. Ils concluent : « Les mauvaises nouvelles suivent toujours les bonnes » … Parfois elles semblent mêlées comme lors de la cérémonie de mariage qui suit. Par la compassion, la solennité, les habits noirs (mais on rappelle qu’au Japon c’est le blanc la couleur du deuil), le chant assez lugubre, on se croirait à un enterrement ! Le discours prononcé par Hirayama, ami du père de la mariée, nous montre pourtant qu'il s'agit d'un mariage « moderne », non arrangé par les parents. Hirayama s'en félicite.

Il les envie peut-être mais lorsque sa fille aînée Setsuko lui annonce l'intention de se marier avec l'homme qu'elle aime, il oublie son beau discours. Le père est une contradiction vivante entre son discours extérieur et son comportement familial. Il encourage Yukiko, l'amie de sa fille, à aller contre la volonté de sa mère et à épouser l'homme qu'elle aime mais refuse la même chose à Setsuko, sans s'apercevoir que la jeune fille ruse (elle reprend à son compte l'histoire de Setsuko) afin de le mettre devant ses propres contradictions…

Sa propre épouse, Kiyoko soumise mais qui n'en pense pas moins, finit par lui envoyer ses quatre vérités:

« Ton attitude est inconséquente (…) Si tu l'aimais, tu prendrais tes responsabilités, quelles qu'elles soient. Mais tu ne le fais pas. Tu es inconséquent. ».

Ce à quoi Hirayama répond en toute bonne conscience:

« Mais tout le monde est inconséquent, ici ou là, sauf Dieu. La vie est faite d'inconséquences… L'addition de toutes les inconséquences de la vie c'est la vie elle-même. ».

Cette inconséquence, loin de rendre le personnage antipathique, renforce au contraire son humanité en dévoilant ses failles. Hirayama est seulement prisonnier de son amour paternel et du sentiment intolérable d'avoir été mis à l'écart par sa fille. C'est en fait bien plus un problème formel que de fond. À partir de cet instant, un rapport de forces s'établit entre le père et la fille et Setsuko se retrouve dans l'obligation de défier l'autorité de son géniteur. Le personnage fait en cela écho à d'autre jeunes femmes des films d'Ozu, d'autres filles comme dans Printemps tardif, Début d'été, Le Goût du saké…

L'humour n'est pas absent du film. Ainsi la discussion entre Hirayama et ses amis: « Une théorie affirme que si le mari est le plus fort des deux conjoints, la femme donnera naissance à des garçons. ».

Lorsque la propriétaire des lieux où ils sont réunis apparaît (une femme assez forte), l'un des amis lui demande combien elle a d'enfants. Elle répond trois. « Trois filles, n'est-ce pas ? » demande-t-il, goguenard.

Autre élément comique, Mme Sasaki (Chieko Naniwa), la mère de Yukiko, véritable moulin à paroles et qui se démène pour marier de force sa fille à un beau parti. Ozu montre par un simple geste sa maniaquerie et son obsession de l'ordre. En visite chez les Hirayama, elle file aux toilettes à peine arrivée (mouvement comique par lui-même), aperçoit un balai contre le mur et le remet bien à sa place, pendu…

Ozu, comme à son habitude, emplit son film de pudeur. Les larmes lorsqu'elles coulent, qu'elles soient de tristesse ou de soulagement apparaissent toujours comme le dernier recours à la tension, au trop plein d'émotions retenues, jamais exprimées ou si rarement. L'émotion, elle, s'exprime par de longs silences contemplatifs. Le personnage se perd dans un abyme de réflexions que Ozu filme sans fard, intercalant juste quelques plans d'un objet (vase, théière, etc.) en un va-et-vient plus parlant que tout gros plan prolongé sur un visage changeant…

L'émotion surgit aussi quand on ne l'attend pas. Ainsi de cette curieuse scène de Fleurs d'équinoxe, apparemment sans aucun lien avec le reste du film. Hirayama et ses anciens amis d'école se sont réunis pour un dîner. Et Mokami, poussé par les autres, se met à réciter (psalmodier serait plus juste) un magnifique poème de Masatsura Kunosoki .

Distribution[]

  • Shin Saburi : Wataru Hirayama
  • Kinuyo Tanaka : Kiyoko Hirayama
  • Ineko Arima : Setsuko Hirayama
  • Yoshiko Kuga : Fumiko Mikami
  • Keiji Sada : Masahiko Taniguchi
  • Teiji Takahashi : Shotaru Kondo
  • Miyuki Kuwano : Hisako Hirayama
  • Chishu Ryu : Shukichi Mikami
  • Chieko Naniwa : Hatsu Sasaki
  • Ryuji Kita : Heinosuke Horie
  • Nobuo Nakamura : Toshihiko Kawai
  • Mutsuko Sakura : Akemi
  • Fumio Watanabe : Ichiro Nagamura

Fiche technique[]

  • Titre : Fleurs d'équinoxe
  • Titre original : 彼岸花 (Higanbana)
  • Titre anglais : Equinox Flower
  • Réalisation : Yasujiro Ozu
  • Scénario : Kôgo Noda et Yasujiro Ozu, d'après le roman de Ton Santoni
  • Musique : Kojun Saitô
  • Photographie : Yuharu Atsuta
  • Montage : Yoshiyasu Hamamura
  • Pays d'origine : Japon
  • Durée : 118 minutes
  • Dates de sortie : 7 septembre 1958 (Japon), 15 février 1969 (France)

Récompenses[]

  • Prix de la meilleure actrice (Fujiko Yamamoto), lors des Blue Ribbon Awards 1959.
  • Prix du meilleur son, lors du Mainichi Film Concours 1959.

Source[]

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